J’aimerais goûter au miel du Bournat
Diderot et d'Alembert notent, dans leur Encyclopédie, l'utilisation de la paille pour la fabrication des ruches dites "Bournats" et leur supériorité sur toutes les autres :
Chaudes, maniables, résistant aux injures du temps, point sujettes à la vermine. Les mouches y travaillent mieux que dans toute autre ruche ...
Le principal est de les faire toujours un tiers plus hautes que larges et d'en façonner le dessus en voûte...
Les grandes ruches sont de 15 pouces (27 cm) de large sur 23 pouces de haut (40 cm sur 60 cm)... On y met les essaims jusqu'au milieu de juin. Les ruches moyennes de 13 pouces sur 20 recevront les essaims jusqu'au ler juillet. les petites ruches de 13 pouces sur 17 recevront les derniers essaims...
Il faut enduire les ruches en dehors du cendre de lessive ou de terre rouge (ocre) dont on fait un mortier avec de la bouse de vache, pour les garantir des vers. Quand elles sont sèches, on les passe légèrement sur de la flamme de paille, puis on les frotte en dedans avec des feuilles de coudrier et de mélisse.
Il faut que les ruches soient posées sur des sièges ou des bancs élevés d'un bon pied (30,50 cm), pour que les crapauds, les souris et les fourmis n'y puissent pas monter... Ils peuvent être de terre, de bois, de pierre ou de tuilot... Mais l'assise doit être convexe pour qu'il s'y amasse moins d'humidité. "
Si la paille de seigle était préférée à celle de blé pour la fabrication de ces bournats, c'est que les fibres de seigle sont plus longues et plus résistantes, de ce fait elles assuraient à l'ensemble une plus grande robustesse.
On rassemblait des mèches de paille grossières, lâches et sans torsades après les avoir fait passer dans un entonnoir ou tout simplement une corne de vache. On enroulait de la paille autour de ces mèches lâches avant de les maintenir solidement en place par des liens de ronce, placés et entrelacés à intervalles réguliers. Il était important qu'il ne reste plus de sève entre l'écorce et le coeur de la ronce, aussi on la coupait en hiver. On n'utilisait pas ces liens de ronce avant d'avoir fondu en quatre la tige pour en ôter la moelle. Ce travail se faisait en général au couteau.
Le miel était récolté une fois l'an par le "Maître des abeilles". Cette opération était effectuée à la fin du printemps de manière à ce que la colonie ait le temps de refaire à la fois ses provisions et un nouveau couvain avant la mauvaise saison. Il fallait être deux pour procéder à ce travail : L'un extrayait tandis que l'autre tenait les outils, dont l'enfumoir.
Pour extraire le miel du bournat, on utilisait une espèce de grande cuillère. Cire et miel étaient ensuite déposés dans un vaste chaudron de grès.
Les femmes devaient alors extraire le miel. Dans une sorte de grand torchon de toile de chanvre, cousu en pointe, elles déposaient une masse de ce miel et cire encore intimement mêlés. A deux, elles tordaient aussi fort qu'elles le pouvaient cette masse enfermée dans la toile et le miel coulait, pour être recueilli dans un autre récipient, puis mis dans de petits pots. Ce miel, étendu sur un "galetou", sorte de crêpe, représentait un régal pour les enfants ...
Lorsqu'il s'agissait de changer la ruche de place, on opérait le soir, à la nuit tombée. On enveloppait le bournat dans un drap de chanvre, après s'être assuré que toutes les abeilles étaient bien rentrées à la ruche. On procédait alors au déménagement du bournat.
Vendre une ruche pouvait porter malheur par conséquent on procédait à des échanges. Dans notre Limousin, il, n'était pas bon de connaître le nombre exact de ses bournats, aussi on en laissait un ou deux de vides parmi les autres. Bien que les abeilles n'aiment pas être volées, un bon rucher se devait d'être composé de la proportion suivante : un essaim volé, un essaim trouvé et un essaim acheté.
Les bournats étaient la propriété exclusive du métayer ou du bordier (*) et la récolte de miel leur appartenait intégralement.
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Métayer : Agriculteur exploitant une terre avec les matériels et animaux du propriétaire et partageant de moitié avec lui les fruits de son labeur. Les métairies pouvaient être assez importantes et l'exploitation pouvait aller jusqu'à 50 ha.
Bordier : Agriculteur (appelé aussi laboureur à bras) exploitant une borderie et payant une rente annuelle au propriétaire. Les borderies inférieures en général à 10 ha étaient plus petites que les métairies et le bâtiment principal ne comportait qu'une ou deux pièces.